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Glossaire du réchauffement climatique
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Être neutre en CO2 : définition et enjeux de la neutralité carbone

Être neutre en CO2 : définition et enjeux de la neutralité carbone

Olivier CLUR, Fondateur de Backcarbone

Mes articles sont conçus pour vous transmettre mes découvertes et vous éclairer dans votre stratégie carbone.

Être neutre en CO2 : définition et enjeux de la neutralité carbone

Réduire ses émissions de CO2 est plus que jamais d'actualité, à toutes les échelles, des États aux particuliers. Les effets délétères des activités anthropiques sur la planète sont de plus en plus marqués et la lutte contre le réchauffement climatique devient indispensable. Atteindre la neutralité carbone le plus tôt possible devrait permettre de le ralentir et de diminuer l'intensité de ses conséquences, mais que signifie être neutre en CO2 ? Est-ce vraiment possible et à quelle échelle ?

Qu'est-ce que la neutralité carbone ?

Selon la définition proposée par le Parlement Européen, la neutralité carbone (ou zéro émission nette) est la mise à l'équilibre entre les émissions carbone produites à l'échelle mondiale et l'absorption du CO2 présent dans l'atmosphère terrestre par les puits de carbone naturels et artificiels. Ainsi, on peut atteindre la neutralité carbone si on n'émet pas plus de gaz à effet de serre que ce que la planète peut en séquestrer. Il n'est donc pas question de ne plus produire de CO2 et autres GES, mais de réduire les émissions jusqu'à un niveau raisonnable. Devenir neutre en carbone d'ici à 2050 est, d'après le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'Évolution du Climat), indispensable pour limiter le dérèglement climatique. 

Historique de la neutralité carbone

L'impact des activités humaines sur l'environnement et le climat est documenté dès le début du XXᵉ siècle, avec une accélération des études depuis les années 1970 (parution du Rapport Meadows du Club de Rome en 1972) et 1980 (création du GIEC en 1988). En 1997, le Protocole de Kyoto a établi la liste des principaux gaz à effet de serre et proposait déjà de réduire les émissions GES et de compenser les émissions irréductibles afin d'atteindre la neutralité carbone pour lutter contre le changement climatique.

En 2015 lors de la COP21, l'Accord de Paris a acté que l'augmentation moyenne de la température terrestre et océanique est directement corrélée à nos émissions CO2. Il a donc imposé l'objectif d'arriver au zéro émission nette à l'horizon 2050 dans le but de limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle et d'assurer un environnement viable aux générations futures. Cela implique un effort commun immédiat et une transformation profonde de nos modes de vie à toutes les échelles. 

Les gaz à effet de serre concernés

Le Protocole de Kyoto a défini les principaux gaz à effet de serre d'origine humaine et naturelle ainsi que leur taux de présence dans la troposphère. Si elle compte 72 % de dihydrogène (H2O), les 28 % restants sont répartis par ordre d'importance entre le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), l'ozone en basse atmosphère (O3), les halocarbures et gaz fluorés ou fréon (dichlorodifluorométhane (CCI2F2), chlorodifluorométhane (CHCIF2), tétrafluorométhane (CF4), hexafluorure de soufre (SF6)). 

Afin de simplifier les calculs, notamment de leur potentiel de réchauffement global sur 100 ans (PRG), le dioxyde de carbone sert de référence avec l'unité "tonne équivalent CO2" (tCO2eq). Il faut savoir qu'il est nettement surreprésenté par rapport aux autres GES atmosphériques et qu'il a un très haut pouvoir de captation des rayons infrarouges. Sa concentration en parties par million a atteint 418 ppm en 2022 contre 280 avant la révolution industrielle. 

Calculer le bilan carbone mondial

Pour parvenir à la neutralité carbone, il faut préalablement dresser un bilan carbone (ou BEGES : bilan des émissions de gaz à effet de serre) général. Il permet de connaître le point de départ. D'environ 15 milliards de tonnes de CO2 liées à l'énergie fossile (charbon, pétrole, gaz naturel et autres) et aux procédés industriels en 1970, nous avons atteint 38 milliards de tonnes en 2019 et 40,6 milliards de tonnes en 2022. Ces chiffres astronomiques ne prennent pas en compte les autres émissions de CO2 humaines ni les autres gaz à effet de serre (ni les GES d'origine naturelle dus aux éruptions volcaniques, aux incendies, à la respiration des êtres vivants…) et ne représentent donc qu'environ 85 % du CO2 total et 65 % des GES globaux selon les Chiffres Clés du Climat 2022 (Ministère de la Transition Écologique). Ainsi, on peut estimer 47,8 milliards de tonnes de CO2 et 62,5 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2022.

Selon le 6ᵉ rapport du GIEC, la capacité d'absorption du CO2 atmosphérique par les puits de carbone naturels (océans, forêts) diminue à mesure que la quantité de CO2 augmente. En nous rapprochant dangereusement du scénario SSP2 (en orange sur le graphique ci-dessous), ils ne capteront qu'un peu plus de la moitié du CO2, rendant plus que jamais indispensable de parvenir à la neutralité carbone. 

neutralité carbone définition

Pourquoi devenir neutre en carbone ?

S'il n'y a pas de preuve tangible que le réchauffement climatique que nous vivons actuellement et qui va s'intensifier est directement lié aux activités humaines, nous ne pouvons renier son existence et la forte probabilité de notre incidence directe. Entre les catastrophes naturelles de plus en plus intenses, la montée du niveau de la mer, l'acidification des océans,  et les terres qui deviendront inhabitables (notamment à cause de l'augmentation des températures estivales, des vagues de chaleur et canicules et de la raréfaction de la ressource en eau potable), réduire nos émissions de GES jusqu'à la neutralité carbone devient essentiel pour notre développement durable et le ralentissement du phénomène.

C'est aussi indispensable si l'on veut atteindre les ambitieux objectifs de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement global à +2°C par rapport à l'ère préindustrielle et de rester dans les scénarios acceptables du GIEC. En 2022, on est déjà à 1,15°C : 

Source : https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-atmosphere-temperatures-et-precipitations 

Enfin, la Commission Européenne a établi le Pacte Vert européen pour tous les États membres de l'UE avec l'objectif d'être neutre en carbone d'ici à 2050. Le premier palier à atteindre est la réduction des émissions carbone européennes de 55 % par rapport à 1990 d'ici à 2030. Pour y parvenir, la France a déployé sa Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) en 2015 et différentes solutions d'amélioration de l'efficacité énergétique (développement des énergies renouvelables et décarbonation, rénovation des bâtiments…), d'élimination des véhicules thermiques au profites de voitures électriques et véhicules hydrogène, de promotion des technologies bas-carbone…

Comment être neutre en CO2 ?

De l'État au particulier en passant par les entreprises, les associations et les collectivités territoriales, chaque entité peut, à son échelle, réduire ses émissions de carbone et compenser les émissions irréductibles. Ainsi, il sera possible, non pas d'arrêter net de produire du CO2, mais de maintenir un taux acceptable afin de ne pas entrer dans un dérèglement climatique insupportable maintenant et à l'avenir.  

Réduire les émissions

La première chose à faire est de réduire nos émissions CO2. Grâce à un BEGES comprenant les trois Scope, c'est-à-dire les émissions directes et toutes les émissions indirectes sur tout le cycle de vie du service ou du produit, nous pouvons connaître l'empreinte carbone réelle avant d'envisager les solutions de réduction possibles : 

  • sur l'énergie par la limitation de la consommation électrique carbonée ou décarbonée (énergies durables, nucléaire…) et des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon)
  • sur le transport par la favorisation des modes de transport bas carbone (réduction des trajets en avion au profit du train bas carbone, covoiturage, mobilités douces…)
  • sur la gestion des déchets (recyclage, upcyclage, seconde vie des objets et matériaux…)
  • sur le bâtiment (rénovation énergétique, choix de matériaux durables…)
  • sur la consommation des produits et services…

Notons qu'entrer dans cette démarche RSE (responsabilité sociale et environnementale) est obligatoire pour de nombreuses entreprises (effectif égal ou supérieur à 500 salariés en France métropolitaine ou à 250 en Outre-Mer), les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants et l'État. 

Déployer la compensation carbone

Une fois toutes les émissions réductibles réduites au minimum, celles qui restent peuvent être compensées afin d'être neutre en carbone. À l'initiative de l'ONU, le Protocole de Kyoto a établi un marché de conformité du carbone dédié aux États signataires et aux grandes entreprises pour compenser leurs émissions excédentaires par le financement de projets de développement durable et de séquestration carbone

  • Mécanisme de Développement Propre (MDP) pour les projets menés dans les pays en voie de développement
  • Mise en Œuvre Conjointe (MOC) pour les projets conduits dans les pays signataires.

Ils obtiennent ensuite des crédits carbone certifiés par les Nations Unies, qu'ils peuvent ensuite échanger sur le marché du carbone (1 crédit carbone = 1 tonne de carbone).

Pour les autres entités, il y a le marché de compensation carbone volontaire, ouvert à tous. Il ne permet pas d'obtenir de crédits carbone certifiés par l'ONU, mais d'autres délivrés par différents labels nationaux et internationaux. Cela témoigne des efforts effectués afin de réduire l'empreinte écologique de l'activité ou du déplacement coûteux sur le plan environnemental. Dans tous les cas, il est primordial d'éviter le greenwashing. L'éco-blanchiment est complètement contreproductif et apporte une image négative au citoyen, au consommateur ou à l'usager. 

Par ailleurs, présenter un produit ou un service comme neutre en carbone sans pouvoir le prouver irréfutablement est interdit en France depuis le 1ᵉʳ janvier 2023 sous peine d'amende, conformément au Décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité de la Loi Climat et Résilience. 

Préserver les puits de carbone naturels

Enfin, parce qu'on ne pourra jamais arrêter de rejeter du dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère, l'autre façon de réduire leur potentiel de réchauffement est la préservation des puits de carbone naturels. En effet, leur pouvoir de captation du CO2 par la photosynthèse des végétaux terrestres et marins et par sédimentation dans le sol et le plancher océanique constitue le principal moyen de diminution des GES dans l'atmosphère à ce jour, donc de neutralité carbone, car les procédés de séquestration du carbone artificiels sont encore à leurs balbutiements. 

Cela passe par un meilleur contrôle de la déforestation liée à l'installation de terres agricoles en zone forestière, par le reboisement, par une gestion raisonnée des terres arables (assolement, maintien d'une couverture végétale…), par la préservation de la biodiversité terrestre et marine, etc.

Définissons ensemble, votre stratégie bas carbone.

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